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Contribution du design aux pratiques et aux apprentissages des savoirs dans la culture du numérique.
auteur :
Annick Lantenois,
(stdin),
Florian Cramer,
Pierre Cubaud,
Marin Dacos,
Yannick James
date :
novembre 2011
langue :
français
designer :
deValence
format :
208 mm × 130 mm
pages :
144 pages
ISBN :
9782917855171
éditeur :
B42
Les technologies numériques sont des technologies d’écriture et, par conséquent, de lecture. Elles impliquent des compétences et des pratiques spécifiques de celles de la culture du livre sans pour autant les annuler. Nombre d’études menées dans divers champs du savoir interrogent ces transformations. En revanche, peu de réflexions, en France, portent sur la contribution du design graphique à l’élaboration du contexte où s’inscrivent de nouvelles pratiques de lecture. Alors qu’il participe à l’organisation des contenus, à leurs conditions d’accès et d’appropriation, le design graphique et typographique agit non pas à la surface des choses, mais dans leur structure, dans les processus, dans les relations. Il a donc un rôle décisif à jouer dans la conception des conditions de lecture et d’écriture sur les divers écrans aujourd’hui à notre disposition. C’est cette réflexion que souhaitent amorcer les actes de cette journée d’étude organisée par l’École supérieure d’art et design Grenoble-Valence.
Ouvrage publié en coédition avec l’École supérieure d’art et design Grenoble-Valence et avec le soutien de Lux–Scène nationale, Valence.
Introduction
Actes de la journée d’étude organisée par l’École d’art de Valence1, en partenariat avec Lux–scène nationale de Valence, 11 mars 2010. Sont intervenus : Florian Cramer, Pierre-Henri Cubaud, Marin Dacos, Alain Giffard2, Yannick James, Stéphanie Vilayphiou et Alexandre Leray .
1- Depuis 2011, suite à son regroupement avec l’école d’art de Grenoble et son changement de statut en EPCC, elle est appelée : École supérieure d’art et de design Grenoble-Valence.
2- Pour des raisons échappant à notre souhait de retranscrire l’intégralité de cette journée d’étude, l’intervention d’Alain Giffard ne figure pas dans cette publication. Ses études sont accessibles sur : www.alaingiffard.blogs.com
La généralisation et la diversification des écrans (ordinateurs, téléphones portables, ipad, liseuses) nous rappellent brutalement que la lecture n’est pas un acte « naturel » mais une pratique culturelle qui n’a cessé de se transformer au cours de l’histoire de l’écrit en général et du livre en particulier. Sous la pression de cette poussée technologique, nous redécouvrons que le texte est indissociable de son support, que les conditions de son déchiffrage3 sont déterminées par le dispositif matériel sur ou dans lequel il s’inscrit, et que la lecture est intimement liée à l’acte d’écrire. Ces vingt dernières années, le dynamisme de la réflexion, en particulier dans l’histoire de la lecture et des écritures, qui se manifeste par des ré-éditions, des publications inédites, des colloques, des expositions, témoigne des enjeux de cette redécouverte.
Les technologies numériques sont des technologies d’écriture et, par conséquent, de lecture. En tant que telles, elles constituent, comme l’invention de l’écriture elle-même il y a 5000 ans, une extension de notre cerveau et, ainsi, de nos possibilités cognitives. Elles impliquent des « savoir-comprendre » qui sont des « savoir-lire » et des « savoir-voir » spécifiques de ceux de la culture du livre. Au cœur de ces savoirs spécifiques, s’imposent entre l’auteur et le lecteur les langages de programmation qui sont les textes par lesquels s’ouvrent les contenus. Mais ils ne sont pas seulement des clefs d’accès. Ils définissent également l’environnement sensible des contenus et donc les conditions de lecture et d’écriture. Ces textes constituent le socle de la culture numérique qu’il s’agit dorénavant de prendre en compte dans la conception et l’analyse de tout dispositif numérique. À ce titre, les langages de programmation ont à voir avec le design. Ils sont déjà du design comme le définissent Stéphanie Vilayphiou et Alexandre Leray (stdin) ou comme le dit Yannick James, c’est du design en attente de sa mise en action.
Or, si divers champs du savoir interrogent ces transformations, en revanche, peu de réflexions et d’expérimentations sont consacrées à la contribution du design graphique à l’accès à ces nouveaux « savoir-lire » et « savoir-voir ». Florian Cramer le regrette qui constate que le traitement de ces questions au cœur du design graphique, tend aujourd’hui à être délégué aux ingénieurs. Que les designers et les ingénieurs réunissent leurs compétences et travaillent ensemble ne seraient pas inédit. C’est même une donnée inhérente à l’histoire des designs. Le texte proposé par Pierre-Henri Cubaud, professeur au Cnam, est structuré par une réflexion qui pourrait être celle d’un designer. Elle est articulée par une préoccupation qui est au du design graphique et qui structure de nombreuses études en sciences humaines : l’impossibilité de concevoir, d’analyser le texte sans que soient pris en compte les éléments matériels de son inscription qui déterminent les conditions de son déchiffrage4.
Le problème de fond que soulève F. Cramer est le désengagement des designers de l’exploration des médias numériques au profit d’une conception du design graphique axée sur la production artisanale de livres pour « cibler un marché de biens matériels luxueux en pleine expansion ». Cette critique est relayée par Marin Dacos qui, citant Milad Doueihi, invite à abandonner les tentations fétichistes à l’égard du livre. Ce qui est soumis à leur critique est donc, plus généralement, l’attitude des acteurs des arts et de la culture à l’égard des implications des médias numériques notamment sur le statut de l’auteur et par conséquent sur le statut des contenus.
L’axe principal du texte de F. Cramer est l’analyse de cette attitude. Le constat qu’il dresse de la stagnation, voire de l’effondrement, de la littérature électronique repose sur son observation critique de la persistance de la différenciation entre écriture en général et « belles-lettres » en particulier ; une distinction devenue obsolète depuis que les lecteurs s’approprient l’écriture et sa diffusion sur Internet. Marin Dacos recense les pratiques d’écritures menées par les lecteurs dits « non-experts » selon les normes académiques. Le projet « Lire Gutenberg » que Yannick James a élaboré pour la bibliothèque en ligne de livres numérisés Project Gutenberg, consiste à proposer un espace de travail qui d’une part dote les lecteurs d’outils leur permettant de mettre en forme les textes numérisés, et d’autre part favorise l’échange des commentaires en temps réel. C’est cette ouverture au travail contributif qui structure également la revue en ligne else if conçue par Stéphanie Vilayphiou et Alexandre Leray (stdin).
Ce qui réunit ces explorations et ces réflexions est le souhait de leurs auteurs de définir le numérique non pas comme un territoire, un milieu fermé, mais plutôt comme une extension du monde concret. Loin d’opposer culture du livre et culture numérique, ces chercheurs et ces designers affirment la nécessité de penser leur coexistence. Car l’émergence de la culture numérique ne signifie pas « la mort du livre » ou la « mort de l’auteur ». En revanche, elle engendre un profond mouvement de reconfiguration des pratiques, des apprentissages, de l’économie et des modes de production des savoirs et des divers champs de la création et, par conséquent, de leur statut.
Bien sûr, le design graphique n’échappe pas à ce processus de reconfiguration. Communément assimilé à une fonction d’emballage créateur de plus-value, il doit, ici, être compris comme l’un des acteurs contribuant au traitement, à l’organisation des contenus, à leurs conditions d’accès et d’appropriation ; il agit non pas sur la peau, la surface des choses, mais dans leur structure, dans les processus, dans les relations. Parmi les divers niveaux de relations : celle entre la culture du livre et la culture numérique. Se pose alors les questions : si la culture numérique est aujourd’hui notre socle commun, comment transforme-t-elle la culture du livre ? Et, à l’inverse, comment cette dernière, agée de plus de 2000 ans, négocie-t-elle son histoire avec la culture numérique ? Quelles seraient les formes de leur coexistence ?
« l’inconscient de la lecture », La Bibliographie
et la sociologie des textes, Éditions du Cercle
de la Librairie, Paris, 1991.
F. D. McKenzie, « La Bibliographie et la sociologie des textes », Éditions du Cercle
de la Librairie, Paris, 1991.
Roger Chartier, « Du Codex à l’écran : les trajectoires de l’écrit », Solaris, n°1, 1994 ,
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Roger Chartier, « De l’Écrit sur l’écran. Écriture électronique et ordre du discours », Communication présentée lors du colloque, Les écritures d’écran : histoire, pratiques et espaces sur le Web, mercredi 18
et jeudi 19 mai 2005, Aix-en-Provence, Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme,
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Emmanuël Souchier, « L’image du texte.
Pour une théorie de l’énonciation éditoriale », Les Cahiers de médiologie, n° 6,
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