Journée d’étude – 17 mai 2017
Histoire des médias, archéologie des sémiophores
Quelle est la tâche de l’historien des médias ? Identifier l’origine des moyens de communication verbales, graphiques et iconiques, en saisir les continuités qui apparaissent dans le mouvement de leur expansion, et les situer dans une globalité des pratiques, avant leur possible disparition. Sous cette forme traditionnelle, ce projet d’inspiration organique et évolutionniste, suppose l’existence d’un temps homogène et vide pour mieux en marquer les phases de progrès. Il prend habituellement pour objet la presse écrite, puis la photographie et le cinéma, la radiodiffusion et la télévision, pour faire place aujourd’hui à internet.
Dès les années 70, période de l’arrivée du numérique dans les laboratoires, une autre conception travaille le champ des études médiatiques. Une conception d’inspiration
« archéologique ». Loin du discours triomphaliste et techniciste, elle cherche à saisir les relations qui traversent les divers médias dans une approche non strictement chronologique. Son temps est pluriel et suppose une multitude de temporalités complexes, non linéaires et enchevêtrées. Accordant une place décisive aux objets et non à la compréhension des textes, elle vise encore à établir des connections souvent inattendues. Longtemps absente de la culture francophone, cette archéologie des médias est loin d’être un champ de pratiques et de définitions uniformes. D’orientation matérialiste en Allemagne, plus sociale et culturelle dans l’espace linguistique anglo- américain, comment l’investir, ici, aujourd’hui ?
L’exposition présentée à la Bourse de travail de Valence, « Les émotions vont au travail », comme les travaux antérieurs de Zoe Beloff, nous donnent précisément l’opportunité d’interroger le rôle des artistes associés à ces pratiques. Identifiée comme une artiste de l’archéologie des médias, ses recherches mêlent des films trouvés, des fragments de textes, des objets anciens, des dessins et des sculptures, qui prennent la forme d’installations, de performances, de réalisations vidéos et de publications imprimées et numériques. Sans nostalgie, elle sort de l’oubli des formes mineures qui permettent de comprendre le présent en instaurant un dialogue entre ces références. Sa pratique insistante de la collection, en particulier de films d’amateurs, suggère qu’il serait possible d’évoquer, là, après l’historien Krzysztof Pomian, une archéologie des sémiophores. Ces objets culturels devenus inutiles, mais conservés et protégées – produits par les médias – et qui désignent l’invisible.
Invités
Raymond Bellour
Paul Sztulman
Emmanuel Guez
Lucile Haute
Erkki Huhtamo
Ghislain Thébault.